Réactions suite au vote EVRAS : des déclarations politiques à préciser et à suivre !
Ces derniers jours, la classe politique et les médias ont été surpris par la mobilisation concernant le programme EVRAS dans les écoles.
Jeudi, le jour du vote au parlement de la fédération Wallonie-Bruxelles, de nombreuses mères de famille, issues des tous les milieux, étaient venues manifester leur désaccord sous la fenêtre des députés. Cette mobilisation faisait suite à l’enquête indépendante de ‘démocratie participative’ lancée par des citoyens ayant distribué des flyers toutes boîtes, à des collectifs comme ‘Sauvons nos enfants’ et à des initiatives de parents ayant interpellé les directions d’école. Le moins que l’on puisse dire, c’est que ces parents inquiets sont parvenus à mobiliser l’attention sur le sujet.
De nombreuses personnes ont réagi à leur alerte. Certains parents et professionnels ont apporté des témoignages justifiant pleinement ces initiatives. D’autres au contraire, ont expliqué comment ils/elles faisaient preuve d’une méthodologie et d’une approche tout à fait adaptée aux enfants. Mais selon les intéressés, le fait qu’il y ait des exemples positifs, n’efface pas les points qui semblent inadmissibles, tant dans l’outil de référence, le fameux guide EVRAS, que dans les standards internationaux sur lesquels il s’appuie.
Les médias au secours d’EVRAS
Les médias mainstream se sont donc emparés du sujet, venant au secours de la ministre :
La DH a titré : ’hystérie dans certaines écoles autour des cours d’éducation sexuelle dits EVRAS: “Non, on ne va pas apprendre aux enfants à se masturber” (laDH - 6/9/2023)
La RTBF a consacré plusieurs articles à ‘la saga’ EVRAS. L’un reprenant les déclarations de la ministre Caroline Désir, l’autre sur l’adoption d’EVRAS par le parlement de la FWB, un autre encore sur la manifestation à Bruxelles.
LN 24 a fait un travail plus sérieux en relayant les inquiétudes des parents et des associations concernées et en invitant Verlaine Urbain de l’association Innocence en danger sur le plateau.
Le journal indépendant Kairos a approfondi le sujet par nombreux articles et interviews sur les dangers de l’éducation sexuelle selon les standards de l’OMS adoptés par la Belgique et a également suivi la manifestation et le vote au parlement.
A noter que le délégué aux droits de l’enfant a également publié un communiqué dans lequel il réaffirme son soutien au programme de l’EVRAS avec une formulation intéressante, reprise par d’autres intervenants :
Les changements intervenus à la rentrée vont permettre une harmonisation, pour offrir aux élèves « de partir avec des mêmes bases » ; une labellisation « pour éviter les débordements connus par le passé » ; et une généralisation, « car tous les élèves de 6e primaire et 4e secondaire seront concernés ».
Il admet donc que des dérives existent, mais il ne semble pourtant pas en avoir jamais parlé avant la campagne menée par les parents. La mise en avant d’une ‘labellisation’ confirme bien la nécessite de résoudre ces ‘problèmes de qualité’. Mais l’on constate que les pierres d’achoppements, notamment l’éducation à la sexualité chez les plus jeunes, sont soigneusement évitées. Voilà qui dénote un certain manque de courage de la part du défenseur des droits de l’enfant.
Politiques ou citoyens, qui a ‘mal compris’ ?
L’enquête citoyenne qui a été communiquée à tous les députés 2 jours avant le vote, a révélé un rejet massif du programme EVRAS en raison de ses points controversés. Ces voix citoyennes n’ont toutefois eu aucune influence sur le vote de jeudi. A priori, leurs arguments semblent avoir été complètement ignorés.
Le jour du vote au parlement, la rapporteuse Madame Chabert, députée PS s’est adressée aux parents inquiets (vidéo à 1h50) . Elle a évoqué la nécessité des cours EVRAS dans le cadre de la protection contre les violences sexuelles, les infections sexuellement transmissibles ou les grossesses non désirées et le manque d’information ou la difficulté d’aborder ces sujets dans le cadre familial. Parlant d’un accord historique, elle a évoqué 40 ans de lutte de diverses associations pour arriver à ce point.
Pourtant, rien de tout cela n’est remis en question par les citoyens qui se sont mobilisés. Jamais aucun de ces éléments n’a été contesté, ni dans l’enquête, ni dans les collectifs, ni par les pédopsychiatres, ni chez les parents qui se sont exprimés ces dernières semaines.
Mais d’autres réactions donnent à penser que les politique ont bien saisi le message, à commencer par la ministre de l’enseignement, Caroline Désir.
À la veille du vote, elle commencé par réagir ‘aux campagnes de désinformation’ en se référant notamment à l’enquête, sans identifier les ‘fausses informations’ en question. Mais par la suite, elle s’est voulue ‘rassurante’ face aux questions soulevées par les citoyens.
Elle a donc affirmé haut et fort qu’“Il n’y aura jamais de cours pour inciter les enfants à changer de genre”. Ajoutant :
“Nos intentions sont nobles. On ne va évidemment pas encourager une hypersexualisation chez les jeunes, on ne va pas susciter une orientation sexuelle ou une identité de genre, on ne va pas donner de cours de pratiques sexuelles. C’est inadmissible de faire peur aux parents sur ce sujet”.
Cette peur est pourtant justifiée par divers témoignages recueillis suite à des animations, par la pétition des experts en santé mentale, par certains exemples choquants dans les pays voisins et par le contenu des standards de l’éducation sexuelle en Europe auxquel le programme EVRAS se réfère.
Extrait des standards pour l’éducation sexuelle en Europe, p. 23
Pour faire suite à ses déclarations, il serait donc souhaitable que la ministre clarifie et confirme ses bonnes intentions en répondant à toutes les inquiétudes des parents, en particulier, celle qui concerne les animations liées à la sexualité et au genre chez les enfants les plus jeunes.
À ce propos, elle a déclaré que :
Il (le guide EVRAS) préconise par exemple, si le cas se présente, de parler d’identité de genre aux enfants dès 5 ans. Il ne s’agit en aucun cas d’un cours qui serait donné systématiquement aux enfants de classes maternelles.
Une réponse évasive, qui parait insuffisante au regard de l’importance de la question.
La protection des plus jeunes, une pierre d’achoppement !
Benoît Gallez, directeur de l’école secondaire Saint-Michel à Bruxelles, une des écoles les plus réputées de la capitale, a partagé ses réactions dans une lettre ouverte à la ministre :
Les propos tenus ce matin par Madame la Ministre Désir, sur les antennes de la RTBF me poussent à vous écrire.
En effet, à l'entendre, les inquiétudes soulevées par de nombreux signataires sur de nombreuses pétitions n'émaneraient que des milieux catholiques et islamiques conservateurs. Belle manière ô combien facile de balayer des arguments d'un revers de la main en disant qu'ils sont exprimés et orchestrés par des extrémistes.
Directeur d'une des plus grandes écoles de la Région bruxelloise, je me permets de prendre à mon tour la plume pour exprimer ma désapprobation.Tout d'abord, je m'inscris totalement dans la nécessité de prodiguer de telles animations. …
…Rien à redire, non plus, sur la nécessité de les dispenser en 6e primaire (le monde est ce qu'il est et nos enfants doivent apprendre à le décoder).
Par contre, des intentions à peine voilées à destination d'enfants encore plus jeunes sont véritablement problématiques. Nul propos complotiste dans ce que je vous écris. Des spécialistes de l'EVRAS ambitionnent d'étendre les animations à toute la durée de l'enseignement obligatoire, donc de 3 à 18 ans.
Par ailleurs, une série de contenus du référentiel sont de nature à faire en sorte que des jeunes, même de très jeunes enfants, se posent des questions qu'ils ne se seraient jamais posées et normalisent des comportements problématiques (non pas en termes de morales religieuses, mais en termes de construction affective) : échanges de sextos, de nudes, etc. .
Enfin, ce texte, comme d'autres textes, consacre l'autodétermination des jeunes au point de mettre leurs parents sur la touche. Il me parait essentiel de rappeler que les parents, quelle que soit la forme de leur famille, restent les principaux acteurs de l'éducation de leurs enfants.
Voilà qui résume bien l’essentiel de la situation au stade actuel !
Car ce que le directeur dénonce, se trouve bien dans la circulaire 9020 qui a été distribuée aux établissements scolaires où l’on parle de généraliser l’EVRAS de la 3ème maternelle à la 3ème secondaire.
Un dialogue et des garanties
On reste donc dans le flou. Va-t-on oui ou non parler de sexualité et de genre avant la 6ème primaire ? Si oui, sur quelles base scientifique et pédagogique la ministre peut-elle le justifier ? Va-t-on se contenter d’évoquer les directives de l’OMS ou va-t-on enfin tenir compte de l’avis des professionnels de l’enfance et des citoyens de notre pays ? Beaucoup de parents estiment qu’à cet âge l’éducation à la vie affective et relationnelle suffit et que lorsqu’un enfant a une demande sur ces questions, elle doit être abordée de manière individuelle avec les professionnels déjà présents.
Pour l’instant, une chose est claire : on n’a pas fini de parler du programme EVRAS, et ce ne sont pas quelques déclarations de bonnes intentions qui endormiront la vigilance des parents. Il est temps qu’un véritable dialogue avec tous les acteurs concernés puisse s’engager, afin que les outils de référence et les programmes mis en place restent avant tout des moyens de protéger les enfants.