Kennedy présente sa vice-présidente Nicole Shanahan

Avocate réputée de la Silicon Valley et maman d'une petite fille autiste, elle compte s'attaquer aux maladies chroniques et faire parler les données des agences sanitaires

Le choix du candidat "sauvage" à la présidentielle américaine inquiète les états-majors démocrate et républicain. Les médias boycottent.

Nicole Shanahan et Robert Kennedy, Jr

C’est à Oakland, une ville ouvrière de la baie de San Fransisco, d’où est issue la candidate, que Robert Kennedy Jr a présenté sa nouvelle partenaire de campagne. Âgée de 39 ans, spécialisée dans le domaine des droits numériques et de la propriété intellectuelle, Nicole Shanahan est l’une des avocates les plus en vue de la Silicon Valley.

Durant son discours inaugural, elle a affirmé qu’elle s’engageait à réduire la pauvreté et les maladies chroniques et qu’elle oeuvrerait à établir la paix dans le monde. Mère d’une fillette autiste, la mission qui lui tient le plus à coeur sera de forcer les agences sanitaires à investiguer sur les différents facteurs qui impactent la santé des américains.

Success story

Nicole Shanahan a un parcours assez particulier qui l’a menée de l’aide sociale à l’entreprenariat et de la pauvreté à la plus grande richesse. Avec une mère issue de l’immigration chinoise, un père souffrant de troubles psychiatriques et de dépendance aux drogues, elle a connu une enfance difficile et ne s’en cache pas. Dans sa vidéo d’introduction, elle raconte que c’est  grâce à l’aide sociale que sa famille a pu s’en sortir et qu’elle a pu mener des études universitaires.

Shanahan a commencé des petits boulots à l’âge de 12 ans. Elle a d’abord étudié l’économie et les langues asiatiques (le mandarin et le cantonais) avant d’aborder le droit et de se spécialiser dans le domaine de la propriété intellectuelle. Passionnée des technologies, elle a ensuite fondé une entreprise dans le domaine des brevets informatiques. En marge de ses réalisations professionnelles, elle a créé sa propre fondation philanthropique, “Bia-echo“, pour soutenir des projets autour de la santé reproductive des parents âgés, la recherche des maladies chroniques ou de la justice criminelle.

Nicole Shanahan et Sergei Brin en 2018.

Mais, pour le grand public et la chronique mondaine, elle est surtout connue pour avoir épousé en 2018, Sergei Brin, le cofondateur de Google, dont la fortune est estimée à 113 milliards de dollars. La même année, ils ont donné naissance à une petite fille nommée Echo, qui a “subitement” régressé vers l’autisme à l’âge de 10 mois (ndlr: ce type de régression rapide et inattendue sous-entend généralement un incident lié à la vaccination). Le couple s’est séparé en 2021 et leur divorce a été prononcé en 2023. Nicole vit actuellement avec son nouveau partenaire, Jacob Strumwasser, un homme d’affaires actif dans les monnaies Bitcoin.

Autisme et vaccination, le point ultra-sensible

Lors de son discours inaugural,  Nicole Shanahan a révélé avec émotion qu’elle est la mère d’une enfant autiste et que cette expérience a profondément transformé sa vie et ses priorités. C’est ce qui la pousse à lutter contre ce qui sont pour elle les 3 principales causes des maladies chroniques: la pollution environnementale (eau, air, nourriture), les dangers liés à certaines fréquences électromagnétiques, et le point le plus sensible… les effets liés aux produits pharmaceutiques:

En troisième lieu, je suis désolée de le dire, parce que la médecine pharmaceutique a sa place, mais il n’y aucune étude pour évaluer l’impact de tous ces médicaments et de tous ces vaccins, injectés l’un après l’autre durant l’enfance. Pour l’instant, cela n’est pas étudié. Mais il faut le faire. Nous le pouvons et nous le ferons. Des troubles comme l’autisme avaient une incidence d’1 sur 10 000. Aujourd’hui dans cet État, la Californie, c’est 1 enfant sur 22 qui est touché. Allergies, obésité, anxiété, dépression, nos enfants ne vont pas bien. Notre population ne va pas bien et notre pays ne va plus tenir longtemps si nous ne savons pas entendre cet appel désespéré. J’ai parlé aux responsables de nos agences gouvernementales. Croyez-moi, j’ai déjà essayé. J’ai parlé à des sénateurs, à des gouverneurs… Tout le monde sait qu’il y a quelque chose qui ne va pas, mais personne n’a le courage d’agir. Il n’y a qu’un seul candidat à la présidence qui prend l’épidémie des maladies chroniques au sérieux, c’est Robert Kennedy Jr. Et je serai son alliée pour rendre la santé à notre nation.

Si les paroles de cette “mère courage” ont fait mouche en déclenchant un tonnerre d’applaudissements dans la salle, elles ont aussi fait réagir le reste de la classe politique et des médias.

Censure et réactions enflammées

Différents canaux mainstream ont diffusé son discours. La chaîne Youtube de Forbes a d’abord supprimé le passage où Shanahan évoque l’autisme et la vaccination, avant de retirer complètement la vidéo. Sur CNN, un panel de commentateurs s’est évertué à répéter qu’il n’y a aucun lien entre l’autisme et la vaccination et que tout cela est dû à une étude frauduleuse qui a été rétractée (en référence à l’affaire Wakefield). Plutôt que de commenter les chiffres effarants mentionnés par l’avocate, à savoir 1 enfant autiste sur 22 en Californie, les journalistes ont préféré reprendre les messages du CDC selon lesquels “les vaccins sauvent 4 millions de vie par an”.

Ils ont également souligné que ce discours “anti-vax” pourrait nuire à Trump, le candidat qui ralliait jusqu’à présent la plupart des votes “anti-establishment”. En 2016, beaucoup de familles avaient voté pour lui dans l’espoir qu’il mène l’enquête sur cette épineuse question. Mais Trump n’a pas tenu ses promesses. Il a, au contraire, été le moteur de l’opération Warp Speed et de la vaccination Covid à l’échelle planétaire, ce que de nombreux américains ne sont pas prêts d’oublier.

Même son de cloche dans le magazine politique The Hill et d’autres journaux où la candidature de Kennedy a toutes les chances d’être prise au sérieux, risquant ainsi d’impacter le duo Trump et Biden.

De son côté, Trump a immédiatement réagi à la nomination de Shanahan. Il a qualifié Kennedy de “candidat le plus radical de la gauche” et s’est déclaré ravi de savoir qu’il affaiblirait le score de son adversaire. Mais, selon les analystes, en réalité les deux camps sont inquiets.

Chez les démocrates, Kennedy fait peur. Certains le jugent trop à droite:

RFK Jr, c’est Donald Trump affublé du visage d’un Kennedy.

Le sénateur démocrate Mallory McMorrow, un des pontes du parti, a déclaré mardi dans une interview pour CNN que “les fausses informations véhiculées par M. Kennedy et M. Shanahan pourraient semer la méfiance à l’égard de la sécurité des vaccins” – un sentiment partagé par le représentant de la Californie, M. Robert Garcia:

Il est anti-vaccins, anti-science, anti-vérité et ne fait rien d’autre que de diffuser des mensonges et des informations erronées qui nuisent à la santé publique dans tout le pays. Et le choix de sa vice-présidente ne fait que répéter ces conspirations anti-vaccins et ce programme anti-santé.

Kennedy force la réouverture des débats

Depuis qu’il s’est retiré du parti démocrate où on ne l’a jamais autorisé à affronter Joe Biden, Kennedy est dans l’obligation de récolter des signatures dans chacun des 50 états pour pouvoir figurer sur les listes électorales. Pour l’instant, il n’est inscrit que dans une dizaine d’États. Normalement, la complexité des règles et des délais pour accéder au scrutin font que le parcours serait quasi impossible pour tout candidat indépendant. Non seulement, c’est une véritable course contre la montre, mais cela représente aussi un énorme défi financier. C’est pourquoi il est évident que la fortune personnelle de Nicole Shanahan représente un atout considérable et que cette annonce est une raison d’inquiétude supplémentaire pour les deux grands partis.

Par ailleurs, il n’est pas impossible que pour déjouer cet obstacle, Kennedy et Shanahan se présentent lors de l’investiture du Parti libertarien, qui aura lieu à la Convention nationale du 23 mai.  Ceci leur donnerait alors un accès instantané aux listes, puisque le parti est déjà représenté dans l’ensemble des États. Mais, bien que Kennedy défende une série d’idées libérales, comme il l’affirme dans le livre “A letter to liberals” qu’il a publié en 2022, l’idée est loin d’enthousiasmer les ténors du mouvement (le “Mises Caucus”) qui le perçoivent comme bien trop à gauche.

Nul ne peut présager de la suite, mais l’on peut déjà constater que la candidature de Robert Kennedy Jr est parvenue à déstabiliser l’ensemble du paysage politique américain. Un point sur lequel il vient déjà de remporter une victoire: Kennedy force la réouverture des débats dans un paysage politique et médiatique qui semblait paralysé.

Meeting électoral du 26 mars à Oakland. (Nicole Shanahan prend la parole à 2h03 min.)