Belgique: discriminations dans la campagne électorale, erreurs lors du vote, Commission 'juge et partie'...les petits partis citent l'État en référé (11 juillet)
Collectif Citoyen et Voir U avaient demandé l'annulation des élections et leur report au 13 octobre 2024
Jeudi 4 juillet, la 1ère séance plénière du nouveau parlement belge a été suivie par l’audition de candidats des “petits partis” qui contestent la validité des élections.
Après avoir tiré au sort parmi les nouveaux élus, une Commission de contrôle des pouvoirs a donc entendu les plaignants des partis flamands Voor U et la Team Fouad Ahidar, et des partis francophones Collectif Citoyen et Transparentia, ainsi que plusieurs citoyens ayant rapporté des irrégularités lors du vote.
Les audiences se sont déroulées toute l’après-midi et ont révélé un nombre impressionnant de dysfonctionnements, constatés à chaque stade du processus électoral.
Dans les faits, il apparaît que le processus démocratique est violé par le gouvernement belge et que ces élections devraient être annulées. Par ailleurs, la Commission de contrôle de ces élections n’est pas issue d’un pouvoir indépendant, mais est désignée parmi les nouveaux élus, dans un simulacre où ceux-ci sont à la fois juge et partie. La Belgique a pourtant déjà été condamnée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme concernant cette question.
Des candidats des deux grands “petits partis” Voir U et Collectif Citoyen - Avec 247 candidats sur ses listes et des listes complètes au régional et au fédéral, Collectif Citoyen n’est pas réellement un “petit” parti et Voor U est dans une situation similaire- citent l’État belge en référé. L’audience est fixée au 11 juillet à 11h.
Discriminations, “erreurs” et absence de recours
Inégalité dans le financement :
Dans un pays démocratique, les élections doivent être organisées de manière libre et équitable, mais en Belgique, les règles électorales favorisent nettement le pouvoir en place.
Au niveau du financement, les partis anciennement élus se sont partagés une somme de 80 millions d’euros pour faire leur campagne électorale. Il n’y pas de raison à ce que les petits partis n’aient pas bénéficié de leur part de cette somme, puisque c’est de l’argent public qui doit être réparti équitablement.
Alors que les “petits partis” ne reçoivent pas un seul centime, ils tout de même soumis à des restrictions en matière de levée de fonds et de dépenses électorales (un particulier ne peut verser que maximum 500 euros par candidat et les entreprises ne peuvent pas contribuer).
Désavantagés sur les numéros de liste
Les petits partis ont également d’autres désavantages: leur numéro de liste est attribué 2 semaines après les autres, ce qui les met de facto en retard pour démarrer la campagne. Par ailleurs, les numéros de liste des petits partis varient d’une circonscription à l’autre, ce qui est un autre désavantage.
Affichage restreint
Dans de nombreuses communes, l’accès des “petits partis” aux panneaux électoraux est limité. Il faut parfois partager 1 seul panneau avec tous les autres “petits partis”, alors que les grands partis disposent de nombreux panneaux. Souvent, c’est la commune elle-même qui place les affiches, avec pour conséquence un grand délai (ou un “oubli”) pour certains partis.
Absence médiatique
Tout au long de la campagne les nouveaux partis ont été snobés par les médias. Voor U n’est pas passé à la VRT et Collectif Citoyen n’a jamais eu la parole sur les ondes de la RTBF, malgré les communiqués de presse et les appels répétés pour passer sur antenne. Au contraire, ces partis ont été rendus invisibles. Ils n’ont pas été repris dans les sondages, il n’y a pas eu d’interviews, ni de débats.
La seule chose que la RTBF a faite, c’est de diffamer les candidats en tête de la liste du Collectif Citoyen, le Dr Alain Colignon et la journaliste Senta Depuydt dans leur article consacré à la présentation générale de tous les petits partis.
Selon la Cour Européenne des Droits de l'Homme, lorsque des partis politiques sont défavorisés par le fait de ne pas bénéficier de financement d'État, le gouvernement qui organise les élections doit prendre des mesures correctives, par exemple en s’assurant que ces partis bénéficient d’une couverture médiatique suffisante. (Voir l’arrêt Özgürlük ve Dayanisma Partisi c. Turquie du 10 mai 2012). Ici, c’est le contraire qui s’est produit.
Une journée de vote désastreuse
La liste des “irrégularités” constatées lors du 9 juin est surprenante :
230 machines de votes sont tombées en panne, dans environ 160 bureaux…ce problème technique a provoqué des files interminables, prolongé l’ouverture de certains bureaux et découragé de nombreux électeurs.
Des bulletins de vote ont été mal attribués, et sur certains bulletins de vote à Bruxelles un parti était absent (Team Fouad Ahidar).
Le Parti socialiste s’est permis d’envoyer des milliers de SMS et d’emails après la clôture de la campagne et jusqu’au matin du vote (l’on sait que 30% des électeurs sont indécis jusque dans les dernières heures).
Un parti a perdu près de 10 000 voix durant le comptage électronique (la Team Fouad Ahidar)
Et l’on relève également des plaintes concernant la différence entre certains résultats déclarés par les bureaux de vote et leur publication sur le site officiel du gouvernement…
Absence de recours effectif
Contrairement à l'article 13 de la Cour Européenne des Droits de l’Homme, la procédure actuelle prévoit que le Parlement Fédéral juge lui-même de la validité de ses propres élections, ce qui manque d’indépendance.
Le 10 juillet 2020, la Belgique a été condamnée par la CEDH pour ne pas avoir mis en place une instance indépendante nationale en vue d’instruire les plaintes concernant les élections Régionales, Fédérales et Européennes. (L'affaire Mugemangango c. Belgique).
Exigences pour la tenue d’élections démocratiques
Voor U et Collectif Citoyen demandent l’annulation des élections du 9 juin et leur report au 13 octobre 2024, en même temps que les élections communales. En outre, ces deux partis demandent :
La création d’un organe de surveillance électorale indépendant
Il est crucial de créer un organe de surveillance électorale indépendant pour examiner les plaintes et garantir l’équité des élections. Cet organe doit être composé de membres indépendants des partis politiques en lice.
La révision des lois sur le financement des partis politiques
Les lois sur le financement des partis politiques doivent être révisées pour garantir un accès équitable aux ressources financières pour tous les partis, y compris les nouveaux partis. Des mécanismes tels que des signatures de soutien pourraient être mis en place pour permettre aux nouveaux partis de bénéficier de financements publics.
La garantie d’un pluralisme et d’une visibilité médiatique
Les médias publics doivent être obligés de garantir un accès équitable à tous les partis politiques, y compris lors des tests de vote et des débats électoraux. Des sanctions devraient être prévues pour les médias qui ne respectent pas cette obligation.
La sécurisation des votes électroniques
Des mesures doivent être mises en place pour sécuriser les votes électroniques, y compris des audits réguliers et transparents des systèmes de vote et de transmission des données.
Les responsables de l’État belge sont donc cités à comparaître au sujet de la violation de l’article 13 de la CEDH devant le tribunal de 1ère Instance francophone de Bruxelles le 11 juillet à 11h.
Dans cette affaire, il est intéressant de noter que plusieurs partis estiment avoir été lésés et que les motifs invoqués sont nombreux et récurrents. Ces plaintes constituent un signal fort et pointent à nouveau les faiblesses d’un pays qui se vend trop souvent comme “exemplaire”.
Bonjour Madame Depuydt, il y a une autre discrimination : pour s'inscrire à une élection, un parti a besoin de centaines ou milliers de signatures, selon qu'il s'agisse d'une élection communale, régionale ou fédérale... ou seulement d'une signature d'un député sortant. Les partis déjà élus sont donc aussi à ce point de vue avantagés par rapport aux nouveaux partis.
Merci pour toutes ces infos très utiles et intéressantes, Senta.
Je les partage avec tous ceux qui y seront sensibles.
Belle journée à vous et merci pour votre précieux travail afin de préserver une info libre et honnête.
Cordialement,
Chantal