# 2 OMS: le nouvel ordre mondial par la santé. Traité pandémie et règlement sanitaire international, négociations cruciales en cours.
2ème partie de l’article complémentaire à la conférence donnée sur le même sujet les 11 et 12 février 2023, à Luxembourg. Video et powerpoint sur Dépêches Citoyennes.
Le règlement sanitaire international et le ‘traité des futures pandémies’
Basés sur le narratif de l’échec de la réponse à l’urgence sanitaire et de la nécessité qui en découlerait de développer une politique unique de santé globale, deux instruments juridiques de portée internationale, visent à renforcer le rôle de l’OMS par des accords contraignants qui lui donneraient un pouvoir absolu sur les états souverains.
La tentative d’instaurer un organe de gouvernance supranational par la santé est menée avec la révision du règlement sanitaire international de 2005 (RSI) et la création d’un ‘traité pandémies’ (WHOCA+), et les deux projets avancent à grands pas.
Une première semaine de discussion vient de s’achever autour des 305 amendements proposés dans le cadre de la révision du RSI. Les quatre sessions publiques, (doublées en français) et l’ensemble des documents peuvent être consultés sur le site de groupe de travail.
A présent, c’est une semaine de négociations préparatoires au traité de réponse aux pandémies (WHOCA+) qui démarre le 27 février autour d’un premier document appelé le zéro draft.
Selon l’agenda décidé début février 2023, les deux initiatives devraient être soumises au vote lors de la 77ème Assemblée générale de la santé, qui doit avoir lieu en mai 2024. Il faut toutefois se méfier des agendas officiels, car l’on n’est pas à l’abri d’un nouveau prétexte (une attaque ‘bioterroriste’ de Poutine par ex?) qui forcerait une adoption en urgence d’un, voire même des deux textes, ou de certains points précis dans un accord provisoire, lors de la 76ème assemblée fin mai 2023. C’est pourquoi il faudra être particulièrement attentif aux prochaines sessions de travail qui se dérouleront du 3 au 6 avril pour le traité, et du 17 au 21 avril pour le RSI.
La révision du Règlement sanitaire international (RSI)
D’un côté, il y a donc le Règlement sanitaire international, un instrument qui existe depuis 2005, mais dont les dispositions se bornaient à émettre des recommandations aux différents états signataires. Initiée en 2018, la révision du RSI a évidemment connu un coup d’accélérateur avec l’urgence sanitaire, au point d’être soumise à un vote anticipé, lors de la dernière assemblée mondiale de la santé en mai 2022. Mais, malgré un nouveau contexte d’urgence créé par le directeur de l’OMS avec sa déclaration d’alerte sanitaire pour la variole du singe, les modifications proposées changeaient la portée du texte de manière si radicale, que certains pays ont refusé de l’approuver.
Dans les propositions soumises au vote, les Etats Parties y reconnaissaient l'OMS comme l'autorité d’encadrement et de coordination lors d'une urgence sanitaire et s'engageaient à suivre les recommandations de l'OMS, en lui donnant la possibilité d’imposer: des quarantaines, des passes sanitaires, la limitation et le contrôle des déplacement ou la vaccination forcée. En outre, le texte prévoyait un renforcement accru du rôle de l’OMS et de son directeur, lui conférant par exemple le droit de décider de l’allocation des ressources aux différents états, de décréter des mesures temporaires ou d’ordonner leur prolongation après la fin de la pandémie, voire même de les prendre sur base d’une alerte ‘potentielle’. De manière assez choquante, l’on prévoyait aussi de supprimer le texte qui consacre la nécessité de respecter la dignité humaine et les libertés fondamentales.
Heureusement, l’opposition à ces plans de politiques était venue d’un nombre de pays africains, ainsi que du Brésil, de la Russie et de l’Iran, pays qui avaient pris la mesure des implications de ‘l’agenda global de la santé’. Au lendemain des négociations, un article de la presse congolaise avait clairement souligné le caractère impérialiste du règlement proposé :
Les délégués africains dans l’ensemble se sont opposés à la réforme du RSI, proposée par les Etats-Unis. Ils considèrent que le texte américain constituerait une atteinte à la souveraineté des Etats membres…
.. En effet, la réforme du RSI donne des pouvoirs étendus à l’OMS. Elle autorise le déploiement d’équipes d’experts sur les sites de contamination et la création d’un nouveau comité de contrôle pour surveiller l’application des règles ou imposer une protocole sanitaire à adopter.
Selon le RSI, le refus d’obtempérer des Etats membres provoque des sanctions variant de la suspension du droit de vote à l’Assemblée mondiale de la santé jusqu’à la suspension du même droit à l’Assemblée générale des Nations unies. Plusieurs pays ont qualifié cette réforme du RSI de « liberticide ». Les pays africains ont soulevé une objection, plaidant pour l’adoption de l’ensemble des réformes visant à améliorer le fonctionnement de l’OMS dans le cadre d’un « paquet holistique » à un stade ultérieur. Outre les pays africains, l’Iran, la Malaisie, la Russie et le Brésil ont également exprimé des réserves sur la réforme du RSI.
Au sortir de la 75ème assemblée la présidente de l’International Negotiating Body, le comité qui travaille en parallèle sur le traité pandémies, avait fait un commentaire confirmant les arguments de ce rejet.
Les représentants des gouvernements ont souligné que tout accord futur sur la pandémie devrait tenir compte de l'équité, renforcer la préparation, assurer la solidarité, promouvoir une approche de l'ensemble de la société et de l'ensemble du gouvernement, et respecter la souveraineté des pays.
Mais si l’on peut se réjouir de l’échec de cette tentative en mai 2022, cela n’a pas pour autant mis fin au projet de réforme du Règlement. Un nouveau groupe de travail a immédiatement été chargé de revoir la copie en tenant compte des remarques émises par les réfractaires. Suite à la première réunion, le sommaire présenté au 14 décembre 2022, par le groupe de travail reprenait toujours les mêmes propositions liberticides.
Toutefois, suite à un lobby assez soutenu mené par de nombreux militants, politiques et groupes d’opposition issus de plusieurs états (ea. l’Australie et les Etats-Unis), la dernière mouture du document, publiée le 6 février 2023, a surpris, en opérant un revirement complet face aux versions précédentes.
Revirement inattendu
Le rapport final du groupe de travail, préalable à la semaine de négociations qui s’est déroulée fin février semble avoir pris en compte les arguments avancés par les parties réticentes. Notamment il se préoccupe du fait que les propositions pourraient empiéter indûment sur la souveraineté des États parties" et rendre les recommandations "contraignantes" au lieu d'être volontaires. Dans son introduction le comité mentionne clairement:
les valeurs clés partagées qui sous-tendent les modifications proposées au Règlement : (1) équité, solidarité et coopération internationale ; (2) confiance et transparence ; et (3) souveraineté.
Et un bon nombre de leurs avis abondent dans ce sens.
Concernant la révision de l’article 3 qui entendait supprimer la référence à la dignité, aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, le comité a rappelé l’importance du respect des principes fondamentaux :
Le Comité recommande vivement le maintien du texte sur " le plein respect de la dignité, des droits de l'homme et des libertés fondamentales des personnes " comme principe primordial dans le premier paragraphe, et note que les concepts de droits de l'homme, de dignité et de libertés fondamentales sont clairement définis dans le cadre des traités auxquels ont adhéré de nombreux États parties au Règlement. L'inclusion des droits de l'homme dans l'article 3 de l'actuel Règlement sanitaire international (2005) a constitué une amélioration majeure par rapport au précédent Règlement de 1969.1 La référence au " respect de la dignité, des droits de l'homme et des libertés des personnes " fonctionne non seulement comme un principe primordial dans l'article 3, mais aussi comme un point de référence concret dans la mise en oeuvre de tous les articles concernant l'intervention de santé publique, les mesures d'intervention, les mesures sanitaires supplémentaires et les recommandations.
Par ailleurs, il recule aussi devant l’idée de déclaration d’urgence sanitaire face à une menace ‘potentielle’, à la concentration des pouvoirs dans la personne du directeur et à la mise en oeuvre d’un certificat sanitaire universel.
Toutefois, le diable pourrait bien être dans les détails, car dans la lettre d’introduction, le comité appelle tout de même de manière répétée au ‘renforcement’ du RSI et à des prises de décision ‘audacieuses’. (le terme ‘bold’, qui suggère l’audace, la témérité, la force est répété 4 fois dans le préambule).
Peut-on parler d’une victoire?
Evidemment, l’on ne peut que se réjouir de voir ce texte revenir aux valeurs fondamentales. Toutefois, il faut se rappeler qu’il ne s’agit que de l’avis du comité de travail et qu’au fil des négociations tout peut très bien prendre une autre direction. Ensuite, le diable peut facilement se glisser dans le détail des nouvelles formulations. L’on note déjà que le principe de souveraineté qui est repris comme une valeur fondamentale dans le préambule est vite ‘mis en balance’ avec les impératifs de la coopération internationale dans les pages suivantes.
La souveraineté des États parties demeure un élément fondamental du Règlement. À l'instar des révisions effectuées il y a près de 20 ans, qui ont abouti au Règlement sanitaire international (2005), les modifications proposées à ce dernier nécessiteront un équilibre minutieux entre, d'une part, le droit souverain d'un État partie de prendre les mesures nécessaires pour protéger sa population contre un risque pour la santé publique, tout en reconnaissant leurs vulnérabilités et responsabilités mutuelles, et, d'autre part, l'impératif de coopération et de solidarité internationales, qui sont des facteurs clés de l'efficacité du Règlement.
Par ailleurs, bien que le nouveau texte ne semble pas plaider en faveur d’une mesure aussi directe que l’introduction d’un passe sanitaire numérique universel, elle en pose quand même les prémisses. Ainsi:
Le Comité est d'accord avec la nécessité de faire passer le Règlement de l'ère analogique à l'ère numérique, comme le mentionne le rapport du Groupe indépendant sur la préparation et la réponse aux pandémies cité précédemment, et avec le fait que la numérisation devrait être utilisée partout où cela est possible.
En somme, bien que ce revirement doive être accueilli comme une bonne nouvelle et qu’il prouve qu’un mouvement de résistance est à l’oeuvre, il ne doit pas donner à penser que la partie est gagnée en ce qui concerne la révision de cet instrument international.
Le traité ‘pandémies’
Le 3 décembre 2020, lors d’une réunion virtuelle internationale de l’ONU, le président du Conseil européen Charles Michel, avait lancé un appel international aux noms des états de l’Union Européenne, afin d’élaborer un traité de préparation et de réponse aux futures pandémies. Cet instrument censé conférer des pouvoirs de contrôle étendus à l’OMS, serait en principe aussi imposable aux 194 états participants en cas de déclaration d’urgence sanitaire.
Charles Michel, président du Conseil européen, et ancien bourgmestre de la ville de Wavre qui abrite la plus grande usine de production de vaccins au monde (GSK), a toujours été un fervent promoteur du secteur pharmaceutique.
L’idée a ensuite été répétée lors de réunions successives, jusqu’à la 75ème assemblée de l’OMS, au mois de mai 2022, où les pays du monde se sont donc mis d’accord pour charger un International Negotiating Body, de rédiger un document préparatoire aux négociations nommé ‘conceptual zero draft . Ce comité qui a mis les bouchées doubles, a déjà présenté ses travaux à l’Assemblée extraordinaire qui s’est tenue à l’OMS du 5 au 7 décembre. A l’issue de cette réunion, les états membres ont bien confirmé leur volonté de démarrer les négociations lors du meeting qui se tiendra déjà le 27 février 2023.
L’ instrument dont on ne sait pas encore quelle forme il prendra (traité, convention, accord international) compte en tous cas introduire plusieurs nouveautés, parmi lesquelles:
la création d’une administration/bureaucratie de gouvernance de l’OMS, avec un bureau central et des directions régionales, ainsi que le développement d’antennes nationales.
Le développement d’une architecture globale de la santé et d’un pôle d’infrastructures sanitaires
Le financement accru des moyens des programmes de préparation lutte contre les pandémies, par la mise en place de mécanismes structurels, en accord avec le G20 et la banque mondiale.
La gestion du pôle pharmaceutique de la lutte contre la pandémie, de la conception à la production et distribution des vaccins et médicaments, ce compris un droit d’allocation des ressources.
Le contrôle de la recherche et de la détection des ‘tous les agents pathogènes ayant un potentiel pandémique’ en s’assurant notamment que les ‘normes réglementaires ne créent pas d’obstacles administratifs inutiles à la recherche’ (vive les gains de fonction!).
La redéfinition des libertés indivuelles en ‘obligations sociales’ “toute restriction est non-discriminatoire, nécessaire pour atteindre l'objectif de santé publique et la moins restrictive possible pour protéger la santé des personnes; (ii) toutes les protections des droits, y compris, mais sans s'y limiter, la fourniture de services de santé et de programmes de protection sociale, sont non-discriminatoires et tiennent compte des besoins des personnes à haut risque et des personnes en situation vulnérable ; et (iii) les personnes vivant sous le coup de restrictions à la liberté de mouvement, telles que les quarantaines et les isolements, ont un accès suffisant aux médicaments, aux services de santé et aux autres besoins et droits”. En somme, la dictature est autorisée tant qu’elle assure un confort de vie minimum et qu’elle tant qu’on l’impose à tous, sans discrimination.
Une différence notoire entre le traité et le RSI est que les parties prenantes invitées aux négociations comptent plusieurs centaines d’acteurs non-étatiques. On y trouve par exemple: le secteur Pharma, les réseaux de laboratoires, les fondations ‘philanthropiques (Soros, Gates, Clinton, Aga Kan), le monde académique, bancaires, le Vatican, l’ordre des chevaliers de Malte et le domaine des transports. Seuls les parlementaires, représentants des peuples, semblent être absents.
Par ailleurs, la portée du traité semble beaucoup plus large dans son objet, puisqu’il s’agit d’y inclure le concept de ‘la santé globale’. Ce concept fourre-tout que nous avons déjà évoqué dans un article du 8 décembre, est mis en avant par le Forum économique mondial et sa clique mondialiste afin de faire entrer n’importe quel domaine de l’existence dans le domaine de la santé. Urgence climatique, immigration, enseignement, politique des genres, démocratie, transition numérique, élevage, droit de la propriété, tout est susceptible d’entrer dans les politiques de l’urgence sanitaire et de ‘la santé globale’.
Une architecture globale pour la réponse aux urgences sanitaire
A la lecture des documents préparatoires aux diverses négociations en cours, l’on s’aperçoit malheureusement que tout ceci n’est qu’une partie des réformes envisagées dans l’agenda global de la santé. De vastes efforts sont déployés pour créer une synergie avec d’autres instruments, institutions et processus qui font eux aussi partie du paysage de la préparation et de la réponse aux urgences sanitaires. Il s’agit par exemple de:
- la création d'un Comité permanent du Conseil exécutif sur la prévention, la préparation et l'intervention en cas d'urgence sanitaire
- l'élaboration de l'Examen universel de la santé et de la préparation (Universal Health and Preparedness Review, UHPR).
- la mise en place et le développement de "Fonds de lutte contre les pandémies" hébergé par la Banque mondiale
- la Convention sur la diversité biologique et le Protocole de Nagoya sur l'accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation à la Convention sur la diversité biologique (Protocole de Nagoya)
- négociations menées sous les auspices de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) concernant les propositions de dérogation aux dispositions de l'Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC)
Il sera intéressant de voir ce qui va filtrer des négociations menées autour du zéro draft cette semaine, mais il est désormais clair que la lutte contre cette attaque à la souveraineté des nations et aux droits des personnes exigera une vigilance constante et des efforts de longue haleine sur de nombreux fronts.
Rendez-vous prochainement dans un 3ème article pour un premier bilan et des pistes d’action à mener…